Sur la frise chronologique de la communication d’entreprise, la covid, c’est la rupture, la météorite. Boum ! Avant, on trouve les dinosaures et les balbutiements de la stratégie d’entreprise en matière de communication interne. La différence, c’est que c’était il y a, à peine, trois ans. Il est temps de voir comment cette fonction a muté. Car si dans l’Histoire avec un grand H, les dinosaures ont disparu, ici, ce n’est pas le cas. Ils ont même muté vers le sommet de la chaîne. Et aujourd’hui, la communication interne rugit bien fort dans les couloirs des divers services d’entreprises.
La communication interne avant la crise
Si certaines sociétés ont toujours dirigé leurs efforts vers une communication interne efficace, il faut avouer qu’au global, cela reste plutôt anecdotique.
Avant la pandémie (aux temps primitifs), elle se résume à des canaux de transmission d’information et des actions de communication plutôt rigides. Affichage interne, journaux d’entreprise, arbre de Noël et intranet (parfois obsolète) sont déclinés avec méthode (celle qui est enseignée), mais sans originalité.
C’est le parent pauvre de la communication en entreprise.
Alors que la communication externe déploie tous ses atouts bling-bling vers les clients, à l’intérieur, les couleurs sont quelquefois bien ternes.
Vraiment ? À ce point ?
Il suffit de se plonger dans les chiffres disponibles de la période glaciaire de la communication interne.
Vous avez votre doudoune ? Brrr…
Quand on lit les rapports et les études concernant la communication interne avant le deuxième semestre 2019, c’est polaire.
Néanmoins, il est nécessaire de s’y intéresser pour prendre la mesure de ce qui a changé en France et à l’étranger.
L’agence Gatehouse a publié en 2019 son 11ème rapport annuel State of the Sector sur l’état de la communication interne dans le monde. Avec plus de 820 répondants issus de 42 pays, le rapport 2019 couvre l’ensemble des aspects de la communication interne.
Peu de temps
Ainsi, en 2019, seuls 38 % des répondants ont une vue à long terme. Qu’est-ce que cela signifie ? Cela induit que les communicants n’ont qu’une vision réduite. Or, le but ultime est de gagner en efficacité sur la durée. Ici, on agit à l’aveugle, sans plan de communication interne. Nada !
Peu d’implication
12 % des répondants avouent n’avoir aucun type de mesure en place. En soi, c’est peu, nous direz-vous. Or, cette proportion est importante dès lors que l’on considère que c’est environ 1 répondant sur 8. Et cette statistique est stable depuis plusieurs années. Campés sur leurs positions, certains ne bougent pas d’un poil de mammouth…
Peu de budget
Selon ce rapport, les entreprises de plus de 10 000 employés dépensent un budget mensuel équivalent au prix… d’un timbre par salarié (et encore…). Moins d’un euro par salarié, c’est léger pour une communication interne efficace…
Cela révèle que la fonction ne bénéficie pas d’effectifs. En effet, on peut observer la plupart du temps que le directeur de la communication partage son emploi du temps entre la communication externe, les réunions de Codir, les affaires publiques et la communication interne (souvent rattachée aux Ressources humaines). Il en résulte un flou artistique sur le pilotage des missions et les ressources à leur allouer. La communication interne est malheureusement, en général, la dernière servie…
Un sens unilatéral
La communication interne prend souvent la forme d’un joli haut-parleur coloré pour faire circuler la parole managériale. La plupart du temps, dans une verticalité descendante, elle parvient jusqu’aux oreilles des collaborateurs et collaboratrices. C’est le cas pour des domaines privilégiés : la formation et l’information.
Pour fédérer les équipes, c’est un outil parfois habilement utilisé, mais qui ne permet pas forcément de mesurer l’efficacité et l’adhésion.
Allez, n’allons pas noircir le tableau car certains éléments laissaient à penser que, même sans la crise sanitaire, la communication interne prenait de la vitesse, version diesel. La covid a été son protoxyde d’azote, en mode Fast and Furious.
Ce que la covid a bouleversé en France
Quand le virus a pris de l’ampleur, il a entraîné un chaos de désorganisation. Désastre sanitaire, puis social et brouillard nébuleux de la communication, boum ! Une comète s’écrase sur les entreprises, qui passent alors en mode survie.
À ce moment-là, la communication interne doit répondre à trois besoins fondamentaux.
Les enjeux de la communication interne pendant la pandémie
Devant la situation inédite et anxiogène de l’épidémie, les entreprises doivent adapter leur communication en fonction des moyens disponibles pendant les périodes de confinement, et au gré des mesures sanitaires en vigueur.
Informer
La Covid-19 représente alors l’inconnu le plus complet. Véritable trou noir, elle demande une veille quasi quotidienne. Il a fallu réagir et communiquer sur l’épidémie elle-même, sur la pérennité de l’activité professionnelle, et les multiples contraintes sanitaires.
Le rapport Trust and coronavirus (publié par l’agence Edelman), du 23 mars 2020 (en pleine gestion de crise), déclare que 56 % des employés désirent savoir comment éviter le virus, 51 % veulent être mis au courant des actions concrètes menées par l’entreprise pour les protéger et 49 % souhaitent même connaître l’état de la propagation du virus au sein des équipes.
Les salariés cherchent des informations au plus proche d’eux, donc de la bouche même de leur employeur.
Bref, la communication de crise prend des airs de bulletins d’informations quotidiens, la météo en moins.
Des outils digitaux explosent alors pour faire face à la distance imposée :
FAQ salariés
Intranets créés à la vitesse de l’éclair
Journaux digitaux
Plateformes collaboratives
Rassurer
Rassurer ses salariés, c’est capital pour l’entreprise. Car la pandémie a subi plusieurs phases. Et le retour au travail après confinement a suscité de l’inquiétude, traduite par une perte de motivation, déjà accumulée pendant le confinement.
Les employés font face à deux problématiques différentes sur leur lieu de travail ou en télétravail : la peur pour leur santé, et la crainte pour l’avenir de leur emploi.
Pour identifier les sujets de crainte, la communication interne devient transversale, et l’écoute s’impose.
Devant ces angoisses, les communicants internes doivent s’adapter rapidement aux angoisses des salariés et rétablir des procédures flexibles. Car les membres du personnel sont répartis entre le présentiel, le distanciel et le chômage partiel. Les outils se mutent en moyens proactifs, grâce aux différents feedbacks.
Tout l’enjeu réside dans le fait que rassurer ne porte pas que dans le discours. Il faut accélérer les ressources psychologiques, matérielles (pouvoir obtenir rapidement des solutions bureautiques pour travailler devient rassurant).
Et qui assure cette fonction ? Comme en temps de guerre, le leadership se montre présent et s’exprime.
Accompagner
À cette période, on a vu émerger des comités de liaison, ou cellules de communication, dites de crise. Elles doivent gérer des problématiques de « bureau des peurs », mais s’avèrent essentielles pour garder le lien avec les collaborateurs.
Pendant les périodes de confinement, ces cellules, ou des référents coordonnent les réponses aux questions, le soutien psychologique et l’assistance matérielle.
Mais le rôle de la communication interne se modifie, en passant du mode subi au mode de dynamique collective pour assurer une forme de résilience.
Elle valorise ses collaborateurs engagés. Elle aborde avec transparence les pertes de clients et les projets mis à l’arrêt.
Avec les managers et la DRH, elle anticipe les besoins des salariés et met en valeur les nouveaux services (coachings physiques, méditations, ritualisation de rendez-vous en visioconférence, etc.)
Résilience… ou pas, les différentes réactions à la pandémie
La réaction n’a pas été unanime au sein de toutes les sociétés.
Deux réactions sont possibles : se rouler en boule et attendre que le trou noir se mute par magie en étoile, ou agir, et armer le canon communication.
Les conséquences de la passivité sont catastrophiques : rumeurs et interprétations, démotivation et crise de défiance sont des ondes de choc néfastes à l’entreprise.
D’autres ont bravé l’adversité en empoignant le problème pour en faire une vraie stratégie de crise. Les communicants internes sont devenus un véritable État-Major et ont innové.
Zoom, Teams et autres moyens créatifs bouleversent les méthodes de travail, dont on a accéléré la digitalisation. Et c’est plutôt réussi !
Alors, pour l’après-covid, cette montée en puissance va-t-elle s’essouffler ?
Sursaut ou nouvelle norme ?
Communication interne, redistribution des cartes
Tous les indicateurs sont unanimes. Il y a un avant et un après-Covid dans le domaine de la communication interne. Elle est devenue un réel pivot de l’entreprise, avec une adhésion croissante des salariés.
Parce que le changement était déjà en route
Des problématiques déjà existantes
Avant 2019, l’idée fixe des entreprises était déjà d’impliquer les salariés et les motiver. Les communicants innovent alors dans de nouveaux outils pour la communication interne.
Stimulé par la nouvelle génération
Les Millenials, génération Y ou digital natives ont découvert le feu et bouleversent les codes. Ils arrivent sur le marché du travail bien avant la pandémie et imposent d’autres nécessités. Ils sont mobiles (ne s’attachent pas à un job facilement) et cherchent la collaboration sur leur lieu de travail. Pour les retenir, la communication interne assure le lien et devient plus créative.
Poussée par le digital
Pas le choix. La communication s’est métamorphosée depuis l’arrivée d’internet, du digital, des réseaux sociaux, etc. L’information est diffusée en un quart de seconde, avec ou sans vous. Les entreprises ont dû s’adapter à ces innovations, pour en assurer un peu la maîtrise.
Oh là ! Tout doux, Bijou ! Les entreprises attrapent les rênes au passage pour mettre un peu d’ordre et gérer les bruits de leurs couloirs. Et miracle ! Le leadership comprend le potentiel incroyable de ces outils de communication, au sein même de sa maison.
Parce que les outils ont pris une ascension fulgurante
Le progrès prend du temps. Mais lorsqu’il est imposé par une pandémie mondiale, les ressources qui y sont allouées accélèrent le processus. Et la technologie ne fait jamais machine arrière.
L’utilisation du digital
La nécessité du télétravail permet d’adapter des moyens de communication professionnelle à différents supports.
Visioconférences, comme Microsoft Teams, Slack ou Skype
Messagerie instantanée
Newsletter
L’entreprise peut aussi s’en approprier de nouveaux ou renouveler les méthodes.
Podcasts internes
Réseau social d’entreprise
Application mobile
Journal interne modernisé
Outils digitaux de cohésion par le ludique (team-building par le jeu, ou gamification)
Affichage interne revisité sur écran (carrousels)
Les ressources humaines
La gestion de la crise a fait émerger des référents, des cellules, des lignes téléphoniques dédiées. Des secteurs entiers ont assuré la coordination face au volume important d’informations à relayer.
Puis cette fonction a évolué en facteur d’engagement et curseur du sentiment d’appartenance. Les entreprises réalisent alors le potentiel et l’enjeu de cette mission.
Des chefs de projet, pendant la crise sanitaire, se sont vus accorder un poste pérenne, en vue de développer des missions de communication interne. Il en résulte une vraie spécialisation, pour laquelle on crée des formations.
Parce que c’est un enjeu économique
Le changement des mentalités professionnelles s’amorçait déjà avant la Covid-19. Mais la situation sanitaire, la perte brutale de proches, la maladie, et la peur de l’avenir au niveau mondial ont profondément modifié le rapport au travail.
Le professionnel et la vie privée sont plus intimement liés. Le travail ne représente plus seulement un temps et un lieu. (On se souvient des familles confinées, lorsque le rapport d’audit rencontre la dictée niveau CE2 sur la table du salon.)
La quête de sens ne touche plus une génération particulière.
Mmmmh, pardon ? Et l’enjeu économique, disions-nous ?
Oui, ces éléments sociaux concernent particulièrement les finances de l’entreprise. Un collaborateur qui ne trouve pas satisfaction et écoute sur son lieu de travail est moins productif. S’il reste évidemment !
Le coût du turn-over, la démission passive, les arrêts maladie pour dépression… Cela coûte cher. D’autre part, attirer, garder et stimuler les talents impacte durablement les résultats. Et la frontière entre communication interne et externe s’efface progressivement. La positivité de l’une rejaillit sur l’autre. La marque employeur en est le symbole fort.
Tout cela, la communication interne peut l’assurer, lorsqu’elle est bien menée. Elle devient un levier de performance capital.
Bien mener sa communication interne post-Covid
L’accélération, c’est bien, mais la vitesse de croisière pérennise les mesures.
C’est pourquoi on assiste aujourd’hui à une refonte de la fonction de communication à l’intention des collaborateurs. Elle sera durable, car elle accompagne de nouvelles pratiques de management. Qui dit transparence, écoute et culture d’entreprise, dit forcément communication interne forte.
La stratégie hybride
Oui, vous lisez bien. Ce travail hybride mêle mission physique et digitale. Devenue un atout, cette méthode de travail nécessite d’adapter sa méthode de communication interne.
Car selon le baromètre 2022 de Julhiet Sterwen, 36 % des collaborateurs et des managers en télétravail déplorent un manque de relations interpersonnelles, et 30 % souffrent d’isolement. Ce sont des problématiques auxquelles peut remédier la communication interne de l’entreprise.
Le Persona interne
Le profilage atteint les collaborateurs. Ainsi on établit des personas collaborateurs pour adapter la communication. Cette stratégie répond aux mêmes codes que le marketing. Mais rien à leur vendre, sinon leur offrir du bonheur au travail. On crée du storytelling pour transmettre la culture d’entreprise, on crée des espaces, des communautés par centre d’intérêt, etc.
La RSE
La RSE est un levier clé d’engagement collaborateur. Malgré cela, les actions RSE ne sont pas forcément mises en avant en interne.
Résultat : 45 % des collaborateurs ne savent pas ce que fait leur entreprise en termes de RSE, et 28 % ne voient pas qui est responsable de ce sujet. (Etude de Bodet Software 2021)
Des indicateurs
Pour relever les zones sombres ou les pistes d’amélioration, les communicants internes misent dorénavant sur les feedbacks et les évaluations en temps réel.
Externalisation
Parce que les PME ont, elles aussi, bravé les tempêtes de la covid, elles prennent aussi la mesure de ce que la communication interne peut leur apporter. Elles poursuivent les mêmes objectifs que les grands groupes, sans avoir forcément les moyens de développer un département communication. C’est pourquoi nombre d’entre elles font appel à des prestataires, ou des agences de communication, pour assurer cette mission. Par exemple, elles délèguent ainsi les parties évènementielles, ou rédactionnelles et profitent d’un service expérimenté en la matière.
Si la communication interne a toujours existé, elle a muté de façon extraordinaire, en écho à une situation qui l’est tout autant. Pendant la période de covid-19, les méthodes éprouvées font peau neuve et de nouveaux outils digitaux révolutionnent le paysage de l’entreprise pour rayonner jusqu’au-dehors et participer à sa notoriété.
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